Le Cycle des Cieux, Tome 2 : Le Fitzarch pénitent by Allyps | World Anvil Manuscripts | World Anvil

Chapitre 9

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Dans la semaine qui suivit son jour de pénitence, Michaël resta confiné dans le gynécée du Sanctuaire, sur ordre de l’archange-prince Raphaël, sans savoir quel sort Ennead lui réserverait pour la suite. Même en écoutant les papotages des azohim, le jeune prince ne trouva pas d’indices sur les intentions de Raphaël. 

Alors Michaël dormit beaucoup, et s’occupa des petits élohim gérés par les demoiselles de sa mère lorsqu’elles avaient besoin d’aide. El tenta aussi d’explorer le cristal mystérieux qu’el avait toujours en sa possession, mais son esprit refusa d’y entrer de nouveau. Une migraine montait dans son crâne dès qu’el essayait. Les souvenirs de la débâcle de Sicad l’agressaient, pleins de violence et de mort.

A l’aube du huitième jour, deux prêtres-séraphins vinrent toquer fermement à la porte du gynécée, en quête de leur pénitent :

— Laissez-nous entrer, gronda le meneur. Nous savons qu’el est ici.

Le gardien, séraphin lui aussi, leva un sourcil circonspect. Premièrement, personne n’entrait dans son gynécée à sa guise, pas même les membres du clergé. Deuxièmement, le fait que des séraphins-prêtres viennent eux-mêmes chercher un pénitent était très inhabituel. Ainsi, les portes du gynécée restèrent bien fermées.

— Pourquoi n’avez-vous pas envoyé vos puissances ? demanda le gardien.

Les séraphins refusèrent de répondre et continuèrent de réclamer.

— Nous venons chercher l’enfant d’Ophélia ! El doit faire sa pénitence.

Agacé, le gardien se pencha sur un gros cristal posé sur son bureau. Du bout des serres, el composa un long numéro, et patienta plusieurs minutes, jusqu’à ce que sa destinataire décroche.

— Honorée Ophélia, salua le gardien. Oui…oui…mmh…mmh-mmh. Oui els sont montés jusqu’ici… Je pense aussi oui mais ce n’est pas de mon ressort… Mmh…mmh. Entendu.

Le gardien raccrocha et observa attentivement les prêtres, qui piaffant d’impatience, faisaient gonfler les flammes de leur halo.

— Alors ? Alors ? demandèrent-els avec frénésie. Laisse-nous entrer !

Le gardien, sans dire un mot, indiqua les fauteuils du petit salon d’attente qui jouxtait l’antichambre du gynécée. Les séraphins protestèrent, en vain.

Pendant ce temps, Michaël finissait de s’habiller. El revêtit son uniforme de vertu d’Ennead : une veste et un pantalon faits d’un souple tissu blanc, brodé de motifs orange raffinés. Fin-prêt, el quitta la chambre et descendit dans le salon de la fécondité. L’endroit était bondé. Michaël se faufila derrière les mères-azohim. Assises autour d’une grande matriarche, elles l’écoutaient sagement détailler le programme de la journée. La jeune vertu chercha sa mère du regard, sans la trouver. Pressé, el finit par se rendre à la sortie du gynécée, où el la retrouva finalement. Ophélia, les yeux baissés, ajusta la veste de son enfant.

— Je viendrai te chercher ce soir, dit-elle simplement, avant de s’éclipser.

Michaël resta là un instant, surpris de voir sa mère décamper si vite. El rejoignit finalement la sortie et tomba sur le gardien, qui lui barra la route. La jeune vertu s’immobilisa pour laisser le séraphin la scanner du regard. Soudain, el écarquilla les yeux.

— Vous portez un cristal, grogna-t-el. Les cristaux sont interdits dans le gynécée.

Michaël palpa ses poches et en sortit le petit cristal noir donné par Nakirée.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas déposé à la consigne lorsque vous êtes entré ?!

— Ce n’est pas un simple cristal, c’est un artefact… important, répondit Michaël en secouant la tête. Il faut que je l’amène à l’archange Raphaël au plus vite.

Le gardien marmonna, les flammes de son halo se ravivant alors qu’el évaluait l’excuse donnée. C’est alors que les séraphins-prêtres se montrèrent, déboulant avec fureur dans le cénacle interdit.

— Prince Michaël ! Veuillez nous suivre ! crièrent-els. Vous êtes convoqué par les lois d’EL et du Porteur de Lumière, pour expier votre orgueil dans le Transept du Jugement.

L’horreur décomposa le visage de Michaël.

— Quoi ?! Encore ?!

— Votre chemin de pénitent ne fait que commencer.

— Mais je dois voir Raphaël, maintenant !

Les séraphins ignorèrent les protestations du prince. Els le saisirent par les épaules et l’entraînèrent hors de la tour du gynécée. Michaël déploya ses ailes, prêt à fuir, mais une cohorte d’azohim sortirent soudain avec leur marmaille déchaînée. Bousculée par la foule, la jeune vertu se tint calme. El se laissa entraîner hors du gynécée et de l’immense tour qui l’abritait. Les séraphins l’emmenèrent sur le pont de cristal qui rejoignait la tour centrale du Sanctuaire. El baissa les yeux sur le sol translucide et vit à travers des millions d’élohim voler dans tous les sens. Soudain, des trompettes familières retentirent et la ruche s’écarta. C’est là qu’el le vit.

— Raphaël ! appela Michaël, reconnaissant le halo orange, ponctué d’étincelles argentées de son mentor.

Volant à toute vitesse, le prince de Hod remontait du centre-ville, accompagné par une cohorte de ses courtiers. A travers le réseau EL, Michaël projeta toute sa lumière vers lui et sentit son halo se connecter au sien. Mais le lien se coupa immédiatement. L’archange majestueux fila vers le ciel comme une étoile en criant :

— Épouse-mooooiiiiii !

Maintenant dans les hauteurs du Sanctuaire, sa lumière archangélique baigna l’atmosphère. Michaël scruta son mentor tant bien que mal, continuant de l’appeler. El semblait avoir fait halte ! Peut-être qu’el était prêt à l’écouter. Michaël connecta de nouveau son esprit au réseau et à travers les yeux d’un ophana, el obtint une meilleure vue. Raphaël flottait bel et bien dans les airs. El était comme neuf, déjà guérit de la brûlure de Nukvah ! C’était un miracle ! Ennead avait de très bonnes vertus-médecins, mais là, c’était du jamais vu ! Michaël vit que son mentor tenait une azoha dans ses bras, couvrant ses épaules et son cou de baisers.

— Epouse-moi, répétait-el à l’envi, épouse-moi, épouse-moi.

Plus qu’embarrassée, la sublime azoha ne pouvait que bégayer.

— Mais…mais…je suis venue ici pour épouser un autre…

Le visage de Michaël se décomposa. Son espoir le quitta.

— Non mais je rêve, murmura-t-el.

Derrière el, les séraphins-prêtres soupirèrent. Lassés bien vite par ce spectacle, els l’entraînèrent de plus belle vers la tour centrale.

— Attendez !

Atterrissant sur le pont, Kokabiel, petit frère de Raphaël, barra soudain la route au cortège.

— Raphaël ! Il faut que je voie Raphaël ! s’exclama Michaël, sautant presque sur son collègue.

— Es-tu prêt à lui présenter tes excuses ? fit Kokabiel, en croisant les bras malgré sa blessure cachée.

— Il…il faut que je lui parle de… quelque chose d’important…

— Tss, siffla Kokabiel. Mon frère me l’avait bien dit. Tu persiste dans ton péché. El s’y attendait et n’a pas envie de t’entendre pour l’instant.

— Dis-lui qu'il y a eu une corruption…

— Bla bla bla, compte pas sur moi d’accord ? dit Kokabiel. J’ai assez entendu de tes comédies la semaine dernière. Vous deux-là, ajouta-t-el, s’adressant aux deux séraphins qui maintenaient Michaël. Grillez-lui bien le cerveau, el en a besoin.

Sur ce, Kokabiel décolla rejoindre son archange de frère, laissant Michaël dans sa malheureuse situation. Les séraphins rejoignirent avec el la tour centrale et arrivèrent dans un grand hangar où étaient parqué des milliers de véhicules volants. Là, des puissances de l’Ecclésia, toujours en armure blanche, rejoignirent les séraphins. Le cortège monta dans une large navette. Alors qu’on le forçait à l’arrière du véhicule, Michaël continua de protester, en vain. En guise de réponse, les puissances déployèrent sur Michaël une thaumaturgie de restreinte, suffisamment puissante pour paralyser un éloha de deuxième génération. Etait-ce Brenna qui l’avait tissé ? Qui d’autre à Hod pouvait confectionner un tel sortilège ?

Privé de ses ailes, de ses membres et de son accès au réseau EL, le jeune Fitzarch ne put échapper à ses ravisseurs. Son esprit fut noyé sous la panique et sous la lumière des halos de millions d’élohim, qui pour certains, le regardaient descendre vers Kokab d’un œil intrigué. Au bout d’un trajet interminable, le petit convoi arriva dans l’immense cathédrale. Cette fois, dans le parking attribué, assez grand pour être considéré comme un célestoport à part entière. Michaël ne fut pas non plus emmené dans la nef. On l’entraîna dans des couloirs sans fin, qui se rétrécirent petit à petit, jusqu’à aboutir dans une pièce circulaire, sûrement nichée dans une des tours latérales de la cathédrale. On jeta Michaël là-dedans, toujours restreint. Le jeune prince n’eut pas le temps de ses débattre que déjà, des vertus-ecclésiales vinrent l’embêter. Els le déshabillèrent de force pour lui faire revêtir la tunique noire des pénitents. Puis on le laissa seul quelques instants.

— Rha !

Immédiatement, Michaël invoqua sa thaumaturgie pour se défaire des sorts de contrition. Bien que puissants, els étaient basiques et les quelques nœuds supplémentaires tissés dedans ne lui résistèrent pas. Prends-ça fichu nobl’aile qui a tissé ce truc ! Je suis un Fitzarch ! Rien ne peut me contraindre ! Libéré, Michaël bondit vers la porte, laissée déverrouillée et déploya ses ailes pour monter dans le puits de la tour. En haut, el aperçut de nombreux halos de fer. Une centaine de puissances montaient la garde au sommet. Avant qu’el ne puisse se préparer, les gardes repérèrent Michaël, qui n’eut d’autre choix que de redescendre à toute vitesse.

BAM !

Michaël percuta violemment le sol, laissant un petit cratère à ses pieds. Son atterrissage avait été calculé. El se releva donc en un clin d’œil, prêt à déguerpir. Mais PAF. Michaël s'écrasa contre un grand obstacle et s'effondra. Assommé, el battit des paupières, luttant pour se relever. Devant el se dressait un grand éloha. Ce dernier se pencha en avant. Michaël cria alors que le géant le saisit tout entier d'une seule main et le secoua comme une poupée désarticulée. Le colosse le disséqua d’un regard d’or meurtrier.

— Arg…

Michaël, compressé, retint un haut de cœur. C’était encore un séraphin qui l’avait attrapé, mais celui-là était d’une autre carrure. El faisait au moins trois fois la taille de la jeune vertu, ses trois paires d’ailes déployées en grand lui donnaient une envergure vertigineuse. El portait un grand chasuble de prêtre, par-dessus lequel des yeux de lumière dorée pulsaient par dizaines. Son halo de flammes engloutit Michaël. Ce feu était aussi grand qu’ancien. Il rivalisait avec les lumières de Raphaël, des Fitzarch et de tous les nobl’ailes que Michaël connaissait. Alors qu’el reposait le petit prince au sol, l’antique séraphin grommela. El ne cessa de le sonder de ses iris d’or liquide, remplis de fureur. Michaël ne flancha pas. El plongea son regard défiant dans le regard du géant, et y lu son nom.

— Burrhus ?

— Votre altesse céleste, salua-t-el en retour.

Une douche froide s'abattit sur Michaël. 

— C’est vous Burrhus ! Burrhus de Sicad !

— Oh, vous me reconnaissez. Je suis flatté. 

Le séraphin observa la toute petite vertu. Cette dernière tenta d’éviter le piège qu’el devinait. 

—  Que faîtes-vous ici ? 

— Suite au préjudice que vous avez porté à Sicad et à Ennead, l’archange-prince Raphaël m’a nommé Guide de votre Pénitence. 

— Qu…quoi ?

Brusquement, Burrhus saisit de nouveau Michaël d’une seule main, un sourire sadique aux lèvres. L’univers se mit à tourner pour la jeune vertu, emporté à toute vitesse. En quelques battements d’ailes, Burrhus le mena au Transept du Jugement pour le jeter dans la fosse noire. La litanie des pénitents reprit, emportant Michaël dans une douleur atroce.

— Encore ?! Pourquoi ? Pourquoi ? Vous voulez me faire taire c’est ça ?

— Vous faire taire ? ria Burrhus. A propos de quoi ?

— Le commandant Nakirée m’a dit que vous aviez saboté les systèmes de surveillance de Sicad !

Burrhus prit un air pensif.

— Pourquoi diable aurais-je fais une telle chose ? Sicad était mon domaine, mon précieux lieu de culte. 

— J’ai eu une vision de vous dans les entrailles des monolithes. Vous y faisiez quelque chose d’étrange ! Vous répandiez une corruption !

Un léger trouble passa dans les yeux ardents de Burrhus. Mais le séraphin ne tressaillit pas.

— Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ? gronda-t-el. 

Michaël battit des paupières, réfléchit. El avait le cristal de Miel, qui contenait des discussions secrètes entre el et Burrhus Mais el n’avait pu exploiter le contenu caché dans ce cristal. Peu importait. Burrhus ne devait pas savoir. Le grand séraphin interpréta le silence de la petite vertu en souriant.

— Vous ne rapportez que les élucubrations d’un chérubin jaloux, condamné par sa propre incompétence. Ne vous tourmentez plus à propos de Sicad. Concentrez-vous plutôt sur votre pénitence. 

Le regard de Michaël se remplit encore plus d’effroi. Burrhus sourit encore, comme un prédateur face à sa proie.

— L’issue à votre tourment se trouve en vous Michaël. Ne désespérez pas. Collaborez et priez pour la Miséricorde. 

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